mercredi 3 juillet 2013

Cycle Prospective - 24 juin 2013 - Opérateurs Télécoms : dinosaures ou mutants ?



Paris, le Jeudi 27 Juin 2013

Opérateurs Télécoms : dinosaures ou mutants ?
La convergence reste à construire pour un avenir radieux pour tous !

Quel avenir à l’horizon 2020 pour les opérateurs Télécom? C’est à un jeu d’antagonisme qu’invitait par ce titre la conférence du G9+, tenue le 24 Juin. L’opérateur du futur sera-t-il fixe/mobile/intégré? Sera-t-il grossiste ou un détaillant? Va-t-il lâcher ses réseaux pour ne se concentrer que sur la gestion de ses clients ? Les acteurs seront-ils nationaux, européens, internationaux ?
Les acteurs seront-ils nationaux, européens internationaux ? Compte-rendu de cet événement qui a réuni : 

-          François Artignan, Head of Media and Telecom Finance de BNP-Paribas
-          Jean-Paul Arzel, directeur réseaux Bouygues Telecom
-          Thierry Bonhomme, Directeur Executive de Orange
-          Philippe Distler, Membre du Collège de l’Arcep
-          John Stratton, President de Verizon Enterprise Solutions
Yves Gassot, Directeur Général de l’IDATE a animé le débat.

Si les représentants des opérateurs télécoms et autres invités ont joué au portrait de l’opérateur du futur, intégré et convergent, qui ne deviendra pas grossiste pour garder le contact avec le client, qui ne découplera pas la fourniture de l’infrastructure du déploiement des services, qui ne s’opposera pas forcément aux OTT*, éventuels partenaires dans la chaîne de valeur, ils ont également montré les limites de l’exercice. L’opérateur idéal en 2020 reste plus à inventer qu’à découvrir.

Il ne s’agit pas de choisir par exclusion entre plusieurs voies possibles, mais de combiner les différents modèles, de profiter de l’innovation, y compris celle de tierces parties partenaires, afin de réinventer des chaînes de valeur durables avec les différents acteurs face aux pressions d’un contexte macro-économique difficile. C’est le message délivré des US par John Stratton, président de Verizon Enterprise Solutions. A l’heure où les frontières se réduisent entre fixe et mobile, où la convergence voix-données est une réalité, où l’Internet des objets se développe, Verizon veut « ouvrir et exposer [son] infrastructure physique, les capacités du réseau à l’innovation des tierces parties, cela permettra plus d’adoption des services ». Il s’agit de bâtir sur le cœur de compétence, tout en cherchant à grossir dans l’espace applicatif, particulièrement le M2M* – par exemple avec la voiture connectée. Cette vision fait des nouveaux entrants une opportunité et non plus une menace ; "if you can't beat 'em, join 'em", dit le vieil et efficace adage. Selon Yves Gassot, directeur général de l’IDATE et animateur du débat, Verizon affiche une croissance à 8% par rapport à une moyenne sectorielle de 4% aux US et de … -4% dans les 27 états de l’union Européenne. 

Face à ce dynamisme, les opérateurs télécoms européens historiques font figure de dinosaures. A leur décharge, la situation en Europe, en récession depuis 2 ans pour aboutir en 2013 au pire premier trimestre vécu par l’industrie, n’est pas celle des US, notamment sur les aspects de régulation et de monétisation des services.
«La régulation a renforcé le modèle low-cost aux dépens de l’investissement » pour François Artignan, responsable de la branche Media et télécom finance de BNP-Paribas, « cette industrie solide il y a cinq ans n’est plus un safe-haven pour les investisseurs. Or elle a besoin d’accès aux capitaux, il ne faut pas détruire cela ». A-t-on touché le fond ? Le pire peut encore arriver, selon Thierry Bonhomme, directeur exécutif des services de communication Entreprises de FT-Orange, citant Neelie Kroes de la commission européenne au sujet de la suppression du roaming, éventualité envisagée selon lui sans en mesurer l’impact, un « transfert de valeur des pays du Sud au profit des pays du Nord ». Si la régulation européenne ne cesse d’inquiéter les opérateurs, ils restent désireux, malgré des replis tactiques sur des bases domestiques, d’obtenir à travers la consolidation européenne les synergies pour investir et innover. Une cible lointaine, faute d’une réglementation globale et non de la réglementation sectorielle, ce que souligne Philippe Distler, membre du collège de l’Arcep. 

L’Amérique est aussi mieux placée sur la monétisation des services. Selon Thierry Bonhomme, sur le mobile, un client Verizon paye 2 à 3 fois plus qu’un client Bouygues ou Orange. Pour lui, il faut sortir de la guerre des prix en Europe en visant les usages, car: « la valeur s’est déportée vers le terminal et les applications, on n’a pas su la retenir du côté du réseau, c’est un facteur à corriger dans le temps pour changer la donne en Europe ». Changer cette donne, c’est augmenter l’ARPU*, le revenu moyen mensuel par utilisateur. Les opérateurs misent dès lors sur les ruptures technologiques telles la 4G, les objets embarqués et l’interface « wearable » (des lunettes Google aux tatouages sur le bras pour les écrans virtuels), le M2M, le cloud, où de belles opportunités s’offrent avec le SDN* et « la présence des applications sur tous les nœuds du réseau » selon Jean-Paul Arzel, directeur réseaux Bouygues Telecom.

 Encore faut-il ne pas se tromper de bataille. Avec quels services monétiser la 4G ?  N’est-on pas face à des investissements colossaux avant d’arriver en Europe à la couverture des US ou de la Corée du Sud ? « La continuité des réseaux fixes et mobiles, la couverture des réseaux, l’expérience client autour des usages liés au débit montant» : Jean-Paul Arzel annonce la bataille des 5 prochaines années. Pour être compétitifs, les opérateurs télécoms sauront-ils simplifier  l’écosytème normatif qu’ils ont fabriqué autour de l’interopérabilité, frein qu’évitent les OTT ?

Du côté des optimistes, il faut d’abord prendre des risques et les usages suivront. Ainsi Philippe Distler pense que « ce sont toujours les technologies qui produisent les services, pas l’inverse», tandis que d’autres plaident pour une meilleure répartition des revenus entre fournisseurs de services et opérateurs réseaux. Du côté des dubitatifs, la mutation des opérateurs télécoms vers la valeur ajoutée des usages ne pourra se faire sans rétablir la confiance des clients, utilisateurs et élus, écornée par des promesses non tenues, telle la fibre optique pour tous à moindre coût.

Par contre les intervenants sont restés discrets voire muets sur les pourtant nécessaires alliances stratégiques qu'ils devront lier avec les acteurs du logiciel et des contenus....

Alors dinosaures ou mutants ? Face à la transformation numérique, ni plus ni moins, rétorquent les opérateurs télécoms, que n’importe quelle autre société qui n’est pas « digital native ». Avec l’avantage d’être en position de construire l’avenir, puisque, conclut Yves Gassot « quels que soient les scénarios, l’écosystème numérique exigera des accès flexibles, mobiles, à hauts débits ».  Il n’y a plus qu’à … adapter le futur. 

                                                                              Sabine Bohnké, pour le G9+.

*Glossaire:
ARPU  (Average Revenue Per Unit/User ) :  chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé par une entreprise avec un client. C'est une donnée financière utilisée par les opérateurs de télécommunication.
OTT : Over-The-Top content, désigne les sociétés qui utilisent le réseau Web pour délivrer des services multimédia, voix, données, pour exemple, Skype avec la VOIP et Google avec la TV (Youtube). Ils sont directement concurrents des opérateurs pour certains services.
Roaming : ce sont les frais de passage d’un réseau à un autre que les opérateurs se facturent entre eux et qui se retrouvent sur la facture du consommateur.
 M2M : Machine To Machine, désigne la communication entre objets intelligents, destinée à exploser avec 7 milliards de mobile, cent milliards d’objets connectés.
SDN : Software Defined Networking, c’est une séparation architecturale entre le contrôle (le routage) et le contenu (les données) d’un paquet. Une sorte de « cloud » réseau pour multiplier les services réseau à valeur ajoutée, en mettant à disposition de tous les acteurs les applications qui tournent sur un nœud de réseau, tel un routeur.


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