Compte-Rendu du colloque G9+/IDATE du 1er Décembre 2015
L’Institut
G9+, think tank sur le numérique, et
l’IDATE, ont organisé un colloque le 1er décembre 2015 un colloque
sur le thème « Les Paradoxes de
l’Innovation Numérique : digital innovation versus digital
innovation ? »
Jamais l’innovation numérique
n’est apparue aussi fertile, jamais les améliorations apportées par
l'innovation dans les entreprises n’ont été aussi claires … et pourtant la
croissance de la productivité ralentit dans presque toutes les économies
occidentales. Comment l’expliquer ?
Les économistes n’ont pas la même lecture de la révolution numérique que
les dirigeants d’entreprises
·
Le premier débat entre économistes, assez
pessimiste, met en évidence une baisse actuelle, et selon eux également future,
des indicateurs principaux de santé économique... et ce malgré tout le
"tapage" fait autour de la transition numérique. Gilbert Cette (Banque
de France) souligne même un taux de la croissance mondiale historiquement bas. Paul Champsaur (ARCEP) cite d’ailleurs le
grand économiste US, Robert Gordon, selon lequel la croissance de la productivité mondiale n’a pas
dépassé les 0.4% par an au cours des 5 dernières années et que l’Europe est
même plutôt en baisse tendancielle.
·
Le second débat entre industriels (DG ou
Directeurs Opérationnels de grands groupes comme Orange, STMicroelectronics,
Atos), souligne le caractère réellement "révolutionnaire" du
numérique. Ils ne manquent pas de souligner quelques exemples frappants
d'apports majeurs du numérique à la société, : pré-annonce par Orange du
lancement de son activité nouvelle de Finance Mobile et de ses focus autour de
l'IoT (Santé et Maison Connectée), illustration par Atos de gros projets Big
Data (Optimisation Police Amsterdam, maintenance prédictive de turbines et
amélioration de leur taux d'usage etc), focalisation de STMicroelectronics sur
la réduction de consommation, élément de plus en plus clé, notamment pour les
IoT.
Comment expliquer que le
dynamisme du secteur des TIC n’apparaisse pas dans les chiffres
macro-économiques ?
Il parait présomptueux de lire dans les chiffres des rendements décroissants dans la R&D numérique…
L’innovation technique s’essoufflerait
dans le domaine du numérique. Cette affirmation semblerait se confirmer si l’on
se réfère à la loi de Moore. Cette règle empirique a fonctionné pendant près de
30 ans. Elle affirmait que le nombre de transistors des microprocesseurs sur
une puce de silicium doublait tous les deux ans, mais la pente de cette
progression diminue déjà depuis l’année 2000 et les énormes investissements
nécessaires à la poursuite de la miniaturisation rendraient quasiment
impossible la poursuite géométrique de ces performances.
Relativisant ce constat, Joël
Hartmann (STIMicroelectronics) souligne que le doublement des transistors ne
peut pas constituer en soi la mesure de la maturité de l’innovation en matière
de semi-conducteur. Il insiste sur l’importance de la consommation comme
facteur clé d’innovation. Il valide également d’autres approches telles que les
architectures 3D citées par Gilbert Cette. Ramon Fernandez (Orange) ne part pas
de l’idée que l’innovation numérique est épuisée. Au contraire, il souligne que
pour un groupe comme Orange les nouveaux concepts de IoT, de Big data ou les
innovations pressenties dans la FinTech constituent des relais de croissance et
permettent d’envisager de façon positive les évolutions nécessaires du business
plan d’un opérateur télécom. Il précise
qu’un opérateur comme Orange doit non seulement réfléchir la manière avec
laquelle ces nouveaux concepts peuvent se traduire dans des usages efficaces.
Quels sont les usages pour la clientèle entreprise et le consommateur mais
aussi mettre en œuvre les transformations internes qui s’imposent comme pour
toutes les entreprises touchées par la révolution numérique…
Quatre facteurs sont liés à l’économie
Les déficiences de l’appareil statistique
L'apport de valeur à la société
ne doit pas être mesuré uniquement avec des indicateurs économiques simples de
croissance de la productivité, nous dit Charles Dehelly, (ATOS). C’est en effet
un débat entamé depuis longtemps parmi les économistes et nombreux sont ceux
qui s’accordent à dire que le bonheur, le bien-être, la qualité de vie
devraient également être pris en compte. Mais on pourrait ajouter que la
contribution du numérique au bien-être risque aussi d’être en partie négative
quand il permet d’accélérer les process, de raccourcir les délais et que les
marges dégagées (temps, rentabilité) sont intégralement récupérées au profit de
l’entreprise et non des salariés ...
L’attrait de vivre mieux avec moins
Joël Hartman (STMicroelectronics)
remarque que l'évolution future sera centrée sur la réduction de la
consommation. Ce qui explique pourquoi les nouveaux services n’influencent pas
les indicateurs macroéconomiques, ou même qu’ils les influencent négativement
...
L’effet des externalités
Les industriels ont largement
commenté les conditions qui favorisent les innovations puis leur adoption par
les entreprises. Notamment la législation, les incitations en vigueur, ...
Une externalité particulière, largement citée : la formation.
Eric Labaye (McKinsey) insiste
sur l’urgence de redéployer les ressources. Pour lui, cet enjeu des ressources
humaines serait tel que 700 000 emplois pourraient ne pas être créés si notre
système de formation ne parvenait pas à s’adapter. Pourtant, la création nette
d’emploi imputable juste à l'internet en France pourrait être de 200 000
emplois.
Dirk Pilat (OCDE) souligne aussi
l’importance des politiques économiques : la question prioritaire n’est
pas (ou plus) l’investissement dans les technologies, mais dans éducation et
les ressources humaines.
L’impact positif sur le PIB peut aussi être retardé ou visible plus tardivement
Le gisement de croissance future que représentent les pays en développement
Le deuxième panel a insisté sur
les disparités énormes entre les pays les plus avancés (Scandinavie, Corée,
USA, etc), l'Europe un peu plus à la traîne, et surtout les pays en voie de
développement, considérés comme un énorme gisement de croissance, de
productivité et de disruption dans la qualité de vie. Un point d’optimisme sur
lequel a insisté plus particulièrement Eric Labaye (McKinsey).
Le temps de latence avant que les organisations et les individus ne s’approprient le numérique
Reste qu’on a surtout parlé
d’innovation numérique, censée générer de la croissance dans le secteur des
TIC, mais aussi dans tous les autres secteurs dont les procédés, les
technologies et les usages sont irrigués par le numérique. C’est peut-être là
que se trouve la cause principale de l’écart constaté entre la confiance des
industriels du numérique et le pessimisme des économistes : peu de choses
auraient encore changé (notamment dans les PME, dans les pays en
développement). Gilbert Cette (Banque de France) insiste justement sur la
diffusion insuffisante des TIC en Europe qui expliquerait le décalage entre les
niveaux de performance aux USA et en Europe. Cette diffusion insuffisante
résultant principalement de retard sur l'éducation, les rigidités
structurelles. ...
Dans cette course à l’innovation
et à la métamorphose, il y a un point cependant sur lequel les dirigeants sont
unanimes : pour rester dans la course la
gestion des talents est considérée comme l’un des plus grands défis à relever.
Pour approfondir ce débat, nous
ne pouvons que vous conseiller de vous référer au N° spécial du DigiWorld
Economic Journal (« Digital innovation vs. Secular
Stagnation ? ») publié courant novembre par l’IDATE.
A propos de
l’Institut G9+
| G9+ |
catalyseur de tendances | réseaux | techno-socio-business
Fédérant 20 communautés d'anciens de toutes formations (écoles d'ingénieurs, management, sciences politiques, université), l'Institut G9+ représente 50 000 professionnels du numérique. Grands acteurs privés & publics et pôles d'expertise concernés font naturellement partie de son environnement. Il a pour ambition d'être un think-tank de référence dans ce secteur. Ses réunions-débats, une trentaine par an, abordent sans concessions tous les aspects technologiques, économiques et sociétaux du secteur. Des initiatives particulières (cycles de conférences, livres blancs, rencontre annuelle) complètent un catalogue ouvert à tous. http://g9plus.org/
Fédérant 20 communautés d'anciens de toutes formations (écoles d'ingénieurs, management, sciences politiques, université), l'Institut G9+ représente 50 000 professionnels du numérique. Grands acteurs privés & publics et pôles d'expertise concernés font naturellement partie de son environnement. Il a pour ambition d'être un think-tank de référence dans ce secteur. Ses réunions-débats, une trentaine par an, abordent sans concessions tous les aspects technologiques, économiques et sociétaux du secteur. Des initiatives particulières (cycles de conférences, livres blancs, rencontre annuelle) complètent un catalogue ouvert à tous. http://g9plus.org/