Gouvernance d’Internet :
continuons à faire entendre la voix de la France et de
l’Europe
La gouvernance d’Internet a gagné
en visibilité et en audience grâce à la conférence NetMundial organisée par le
Brésil le 24 Avril 2014. Continuons à nous impliquer pour que la France et
l’Europe trouvent leur place dans ce débat.
Paris,
le 30 Avril 2014 - La gouvernance d’Internet regroupe des concepts et
des acteurs tellement variés que ce sujet est longtemps resté technique et
obscur. De fait il englobe des enjeux à fois économiques, politiques,
sociaux et techniques et des acteurs très divers : secteur privé, société
civile, associations, États, organismes divers ayant des statuts hybrides.
Chacun ayant des intérêts qui lui sont propres, le sujet a donné lieu à
beaucoup de cacophonie et n’a pas encore atteint le grand public qui ne perçoit
pas l’impact de la gouvernance d’Internet dans sa vie de tous les jours. C’est
pourquoi l’Institut G9+,
think tank du numérique, s’est de nouveau penché sur ce sujet en organisant le
10 avril 2014 une conférence sur ce sujet. (NB : le G9+ avait organisé dès
février 2004 la première
conférence internationale qui avait suivi le 1er Sommet
Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) de Genève. Le G9+ avait
également promu et participé à l’organisation d’EGENI 2004, les
Etats Généraux du Nommage Internet.
1. Faire-savoir. Pour que le
sujet et ses enjeux soient bien compris il faut le vulgariser et ne pas le
laisser aux mains des techniciens et des juristes. Le besoin
d'évangélisation du sujet est grand : trop peu de citoyens ont conscience que la
gouvernance d’Internet les concerne et que cette question reste à la portée de
tous. Simplification, approche pédagogique et surtout compréhension des enjeux
sont les priorités. Par ailleurs, de nombreuses remarques reviennent
régulièrement sur le peu d’intérêt de la classe politique pour la Gouvernance
d’Internet, certainement le reflet de la faible préoccupation des citoyens
eux-mêmes. La non présence de politiques au Forum de la Gouvernance Internet,
organisé le 10 Mars 2014 Paris, en est un exemple. Si l’appareil politique
français, mais aussi européen, doit se saisir de ce sujet, il se doit de
contribuer au faire-savoir et à la sensibilisation de
la population aux enjeux qui les touchent : la protection des données
et la neutralité du Net notamment. La présence de la secrétaire d’Etat au
Numérique, Axelle Lemaire, à la conférence NetMundial d’Avril 2014 va dans le
bon sens et doit initier le début d’une implication des politiques français dans
les débats.
L’exemple de l’ICANN et des noms de
domaine : comment une question technique a un impact business
majeur
Sans
entrer dans les détails rappelons seulement que l’ICANN est une société
américaine qui gère les noms de domaine « .com » et « .net ». Elle délègue à
l’AFNIC (Association loi 1901) la gestion des « .fr ». Jusqu’à présent l’ICANN
était une société américaine contrôlée par le Département du Commerce américain
et ce contrôle l’empêchait de jouer son rôle de régulateur. C’est pourquoi la
multi-gouvernance de l’ICANN a souvent été demandée.
Le
rapport entre noms de domaine, gestion des adresses IP, business et
compétitivité n’est pas évident au premier coup d’œil. Quand une entreprise ou
un particulier veut créer un site web et enregistrer un nom de domaine il ne
voit pas en quoi le fait qu’il soit géré par l’ICANN, l’AFNIC ou Tartempion est
important. Ce qui compte c’est que le nom de domaine soit libre et que la
personne, publique ou privée, puisse diffuser du contenu important pour elle via
son site web. Les enjeux deviennent beaucoup plus palpables dès que l’on parle
des noms de domaine de second niveau dont l’impact sur une profession peut être
retentissant comme par exemples les « .vin », « .archi » ou même ou « .XXX »
(pornographie). « Jusqu'à présent, les règles étaient édictées, dans des
salles obscures et fermées, par des informaticiens qui n'avaient pas forcément
réalisé que les décisions de l'ICANN prises lors d'une réunion technique en
Californie pouvaient avoir un immense impact, par exemple, sur les producteurs
de vins en Australie », comme la secrétaire d’Etat au Numérique Axelle
Lemaire l’a rappelé le 25/04/2014.
Changement majeur, les Etats-Unis ont
annoncé en Mars 2014 qu’ils allaient abandonner le contrôle de cette société.
L’ICANN va changer de statut en 2015 pour devenir une société gérée par
plusieurs pays et dont le siège ne sera plus en Californie mais très
probablement en Suisse. C’est un premier pas important et il faut continuer dans
cette lancée.
2. Pour être considéré, il faut
peser. Autant il est facile de prendre part au débat, autant il
est difficile de faire évoluer le modèle actuel qui défend différents intérêts.
Alors comment faire poids ? Parmi les pistes les plus significatives il y a :
les puissances économiques, l’essor d’un nouveau marché tel que l’Internet des
Objets, la
francophonie, et la loi comme principe inaliénable auquel personne, qu'il
s'agisse d'une entité morale ou physique, ne peut se soustraire.
Premier élément notoire, les véritables
avancées sur le sujet n’ont jamais lieu lors des rencontres internationales —
comme les Governance Internet Forum (GIF ou FGI en français), les
EGENI, les SMSI et autres — mais plutôt lorsque les
puissances économiques ont protesté. Malheureusement, ces puissances économiques
sont aujourd’hui sans exception américaines: les GAFA (Google, Apple, Facebook,
Amazon), auxquels on peut encore ajouter Microsoft et Yahoo! C’est pourquoi si
la France veut aussi jouer un rôle politique, elle doit s’appuyer sur sa propre
économie numérique. Criteo représente un bon exemple qu’il faut dupliquer.
L’Internet des Objets incarne l’espoir que les entreprises
françaises, championnes dans leurs domaines, seront les leaders mondiauxd’ici
2020. En ayant un poids majeur dans l’économie numérique mondiale, la France
réussira à peser dans la géopolitique d’Internet. L’Europe est une voie évidente
pour peser dans les négociations internationales et la
francophonie (77 Etats et gouvernements) est une piste à explorer
aussi. Sur Internet, la langue est un ciment – ciment qui manque actuellement à
l’Europe. Pour autant la France et l’Europe peuvent contribuer à réduire la
fracture numérique au niveau mondial (francophone, hispanophone et
anglophone).
3. Repenser la gouvernance
d'internet dans son ensemble. Afin de jouer un rôle à la fois fort
et pérenne pour la France et pour l’Europe, il faut définir un modèle
alternatif défendu par les différents acteurs (Etats, secteur privé,
associations, organismes de normalisation, mouvement citoyen, etc._),
car les discussions se multiplient mais n’aboutissent pas toujours à des
propositions et des actions concrètes.
L’exemple du Brésil et de l’adoption d’une
Constitution de l’Internet le 23 Avril 2014 est une piste intéressante. Cette
loi fixe les droits et les devoirs des usagers des entreprises et des
gouvernants, et est destinée à servir de référence La loi assure « la
protection de la confidentialité de l'usager contre toute violation ou
utilisation indue des données des internautes brésiliens ». Elle
garantit également la liberté d'expression et la «
neutralité ».
Cette
loi brésilienne ne résout pourtant pas le problème de la gouvernance mais impose
une régulation locale. En effet, le vrai régulateur d’Internet demeure le juge,
car il est le seul à pouvoir punir localement, pouvant ordonner des publicités
pouvant entacher l’e-réputation d’une entreprise, une véritable menace prise
très au sérieux par les puissances économiques américaines car l’image d’une
marque vaut bien plus qu’une amende même très lourde.Si nous voulons un
« Internet pour tous » et rester cohérent, il faudra définir un modèle de
gouvernance qui permette à des nations comme la Chine et la Russie de
« gouverner » Internet dans leurs « frontières numériques » sans pour autant
tomber dans une « balkanisation » d’Internet, régulièrement évoquée.
Ainsi il faut bien noter la différence entre les notions de gouvernance
d’Internet et gouvernance sur Internet : une gouvernance d’Internet unique au
niveau mondial avec une gouvernance sur Internet plurielle selon les
Etats.
4. Continuer à prendre part aux
instances de gouvernance d’Internet… L’ICANN représente
certainement la partie émergée de l’iceberg qui monopolise constamment le débat
et occulte les autres aspects de la problématique (W3C, ISOC, IETF, etc.). Donc
il faut prendre part à la « gestion » de l’ICANN mais surtout ne pas oublier le
W3C, l’ISOC, l’ONU, l’UNESCO et les autres_. Pour rappel, le problème
de sécurité évoqué lors de l’affaire Snowden — tout comme la dernière faille
Heartbleed — n’a strictement rien à voir avec l’ICANN qui n’adresse pas ces
aspects techniques. Il conviendrait de s’interroger plutôt sur les instances de
normalisation technique, leur gouvernance et l’efficacité de cette
gouvernance.
La
conférence NetMundial a été un jalon important. Le prochain rendez-vous
est l’Internet Governance Forum (IGF) de Septembre prochain, en
Turquie, qui veillera à la mise en œuvre des principes adoptés à São Paulo. La
gouvernance d’Internet est un sujet certes complexe mais néanmoins fondamental,
qui ne peut être convenablement adressé qu’avec le support de forces économiques
mondiales. Le politique et le secteur privé doivent être alignés dans une
stratégie commune. Ce que font les Etats-Unis depuis toujours. Charge à la
France, à l’Europe ou pourquoi pas à la francophonie de prendre en compte les
différents facteurs et faire évoluer la gouvernance d’Internet dans l’intérêt de
tous.
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Cette
contribution est portée par l’Institut G9+ avec la participation des
associations d’anciens des grandes écoles : Centrale informatique, électronique
et télécommunications, ESCP Europe Digital & Business, Supélec Numérique,
Arts et Métiers informatique et télécoms, Télécom ParisTech, Mines Informatique,
Club Dauphine SI, Essec business & technologies, Club Télécom INSEAD, Club
SI GEM GN.
Les contributeurs : Fabien Astic, Guy de Swiniarski, Luc Domissy,
Yvan Erard, Rodolphe Falzerana, Valentine Ferréol, Frédéric Lau, Pascal
Maudet, Alain Moscowitz, Thanh Nguyen, Claire Paponneau, Rémi Prunier,
Christophe Rufin.
Avec
le concours des intervenants à la conférence G9+ du 10/04/2014 : Andrea
Beccalli, Bernard Benhamou, Pierre Bonis, Nathalie Chiche, David Fayon, Lee
Hibbard, Olivier Itéanu, Stéphane Van Gelder.
Créé
en 1995 par la réunion de neuf groupes "technologies de l'information" d'anciens
de grandes écoles françaises
le G9+ s’est progressivement élargi et représente aujourd’hui 20 communautés
d'anciens de toutes formations de HEC à Polytechnique en passant par Sciences-Po
et l’école des Arts et Métiers. Il représente 50 000 professionnels du numérique
et constitue une plate-forme sans équivalent d'études et d'échanges sur le
numérique. L’Institut G9+ apporte un éclairage investigateur, constructif et
audacieux sur les secteurs du numérique, en transformation permanente. Acteur
indépendant, il catalyse et agite les tendances d’aujourd’hui et de demain –
technologiques, sociétales, marchés, management, usages – en organisant une
trentaine de conférences par an, ouvertes à tous. Il a pour ambition d'être un
think tank de référence dans ce secteur. Pour en savoir plus: www.g9plus.org
Contact Presse : Natacha
Heurtault, (natacha.heurtault@communication-rp.fr
)
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