lundi 20 avril 2015

Comment dynamiter le plafond de verre qui limite la croissance des pépites françaises ?

Compte rendu de la conférence du 13 avril 2015 : "Petite start-up deviendra grande ! Comment dynamiter le plafond de verre qui limite la croissance des pépites françaises ?"

La conférence, organisée en partenariat avec l’IE-Club se penchait sur les sociétés en hyper-croissance. Nos invités dégageaient finalement un consensus assez clair sur les clés de succès et sur les obstacles encore à surmonter.
Être dans les bons réseaux 

Nos intervenants insistent sur l’importance pour l’entrepreneur d’avoir les contacts qui lui permettront d’"être visible et de se ressourcer". Ne pas oublier aussi de rechercher les multiples formes de soutien que peut apporter un grand groupe, à l’exemple de tous les exemples cités au cours de la soirée : l’accord Total/BlaBlacar autour de l’émission de certificats d’économies d’énergie résultant du covoiturage ; le programme Chasser en meute d’Eurocopter ou le cas de start-ups se faisant tracter à l’international en proposant des offres intégrées avec celles d’un grand groupe client cités par Philippe Berna, médiateur de l’innovation à Bercy. Les grandes groupes pourraient faire encore mieux pour valoriser les petites structures auprès de leurs clients étrangers, note quand même Alexandre Crazover (Datawords). 

Les fonds d’investissement sont aussi un élément important du réseau à constituer, rappelle Frédéric Mazzella : Blablacar a en effet été très bien accompagné par des fonds Isai (qui regroupe 70 entrepreneurs de talent), puis par Axel Partners (qui connait bien le monde des entreprises en croissance très forte), puis par Index (qui est expert de leur domaine). 

Et ne pas oublier Pacte PME, qui permet d’agir en groupe : une PME peut obtenir de l’aide, par exemple pour monter un bureau local ou pour avoir un VIE, ce qu’elle ne peut pas souvent faire seule car le préalable est d’avoir des équipes locales à temps plein.
Affronter l’international
 
Du fait de leur business model et de leur offre, certaines entreprises peuvent choisir de se déployer très tôt à l’international car elles savent qu’elles seront suivies par leurs investisseurs. C’est le choix notamment de BlaBlaCar : « lever des fonds avant de se rentabiliser » était la seule option, faute de quoi la place aurait déjà prise à l’international. F Mazzella tempère tout de même, en conseillant de ne pas essayer de faire trop de pays à la fois. « Quand on en fait deux, on devient déjà générique et ça permet ensuite d’en faire 10 ou 20 ».

Attention, nous dit aussi P. Berna, « l’international commence par des références en France ». Et veiller à organiser la levée de fonds en fonction de l’international : dans beaucoup de métiers, il faut environ 1m€ par pays à conquérir.
 
Croire à la diversité 

Cyril Hullin , CEO Mobiquithngs, insiste aussi sur le besoin de s’internationaliser très vite, condition et résultante d’une croissance rapide (« essayer de doubler chaque année »). Il faut alors recruter loin de ses bases et y former de nouvelles équipes. Le défi est de créer des bureaux ancrés dans le local, tout en assurant la synchronisation d’ensemble. Bonne nouvelle, diversité et croissance seraient même en corrélation, selon une étude McKinsey.

Pour F Mazzella, l’autonomisation, la responsabilisation des équipes ne peut se faire qu’autour de valeurs d’entreprise, « mais la difficulté principale réside dans les fonctions marketing et communication, car elles supposent à la fois une action locale et centrale ».

Avoir une vision de croissance
 
L’hyper-croissance se décide, il faut d’abord le vouloir, c’est un choix stratégique qui commence par une envie des fondateurs. F Mazzella, notamment, décrit sa société comme une « scale-up » plutôt qu’une start-up.

Philippe Coup-Jambet, DG Paytop, affirme aussi être parti sur « un modèle build-up », en montant le plus vite possible dans les 6 premiers mois.

Cette envie, plusieurs fois citée, sera nécessaire pour tenir au stade de l’exécution : « il faudra assurer le service après-vente », « savoir raconter de belles histoires comme savent les faire les américains », mais A Crazover rappelle que l’hyper-croissance n’est pas une fin en soi, il faut l’organiser pour qu’elle soit durable, avec notamment « des équipes incentivées et motivées ».

Avoir des ressources financières adaptées

Le financement du développement est un point évoqué de nombreuses fois. En effet, au contraire de leurs homologues anglo-saxons, les entreprises innovantes françaises ont souvent trop peu de ressources pour être en mesure de tester un modèle d’offre et de shifter si nécessaire en cas d’insuccès.

Grâce aux fonds qui y ont cru, BlaBlaCar a eu le temps au contraire de tester 5 des business models sur les 6 identifiés.

Adapter sa gouvernance au cours de la croissance

Le couplage finance/conseil fonctionne bien tant que les parties sont accordées sur les objectifs à atteindre. Savoir s’entourer d’un board de conseillers « qui sont passés par là » et être clair avec les investisseurs sur la direction que veut prendre la société sont deux préalables essentiels. Mais, nous dit F Mazzella, les problèmes sont garantis si l’investisseur change d’idée en cours de route ou si un gérant de VC, trop jeune, n’est pas encore habitué au monde mouvementé des startups !... De son côté, la société peut s’imposer des retournements pour atteindre ses objectifs : « on peut vouloir toujours se développer dans la même optique, mais pas forcément par le même chemin ».

Gérez avec soin les étapes de changement : la sortie d’un FCPI du capital est un des moments où il faut adapter le conseil d’administration et la gouvernance.

Transformer les difficultés en autant d’occasions de faire mieux
Jouer au mieux de ses caractéristiques nationales
Pour F Mazzella, on souffre d’être un pays de taille intermédiaire et on peut « rester bloqué au milieu » : un acteur dans un petit pays sait, lui, qu’il ne peut pas rester local. Inversement, un acteur français peut être bloqué par un concurrent US qui bénéficie déjà d’économies d’échelle sur son marché national.

D’autres intervenants sont plus enthousiastes. Pour A Crazover, on ne peut pas dire que c’est plus dur en France à cause de la fiscalité ou de l’incompréhension des politiques . « La France offre tous les atouts pour faire réussir ses entreprises ».
Avec peu de ressources financières oblige à être inventif
Datawords, par exemple, n’a pas réussi à lever des fonds au départ ? Ils ont alors découvert qu’ils pouvaient vivre en partie avec les acomptes des clients.

Vos concurrents étrangers ont plus d’argent pour se développer ? Alors, nous dit Philippe Coup-Jambet, gagnez du temps sur chacune des étapes de croissance.

Mais alors, pourquoi aussi peu de succès en tant d’années ?
Les grands groupes peuvent mieux faire
Christine Halliot, Directrice Innovation Total, reconnait que la difficulté vient souvent des grands groupes eux-mêmes, sans même parler des contraintes imposées par les services Achats ou Juridique comme la part du groupe dans le chiffre d’affaires d’une start-up prestataire. « Il faut les aider, leur exposer les contraintes qu’il y a à travailler avec le Groupe ».
Un manque d’expérience de l’hyper-croissance 
Peu d’entrepreneurs ou de managers ont l’expérience de l’hyper-croissance, mais, bonne nouvelle, l’écosystème français est en train de structurer. Il a quand même « il a 10 ou 15 ans de retard », selon F Mazzella ...
Les limites du financement en France
C’est sans doute la remarque la plus commentée. Pour M Chamboredon, il y a des trous dans la chaine de financement. Surtout 1) au départ, car il faut savoir aussi y accompagner l’entrepreneur dans la structuration de son projet, et 2) dans la phase de capital innovation, quand la société n’est pas encore rentable. C’est ce qui pousse certaines entreprises à « rester petites » ou à « se vendre à des américains ».

Les acteurs français du financement sont d’ailleurs eux-aussi très petits : « des nains », toujours selon M Chamboredon ! Les lois TEPA et ISF ont apporté une petite amélioration mais l’effet est passé. « La communauté (des investisseurs) maigrit plutôt ».

Il n’y a pas qu’une question de taille. D’une façon générale, l’investissement devrait être plus orienté vers le secteur productif : les assurances vie investissent aujourd’hui dans des bons du trésor ou dans de grands groupes plutôt que dans l’économie de croissance. Et à ce jour, aucune mesure n’a permis de réorienter ces investissements ...

Eric Forrest, PDG Enternext, reconnait que la Bourse n’est pas non plus assez présente dans les entreprises en croissance et, pour compléter ce tableau sans concession, Maïlys Ferrière (BPI) déplore elle-même que les subventions de l’Etat ont des volumes de plus en plus faibles.
Les bonnes idées oubliées 
Que sont devenues le small business act et les spin-offs tant vantées il y a quelques années ? On n’en parle plus !
 Certaines entreprises parviennent en effet à faire beaucoup plus vite ou beaucoup mieux.

4 secrets pour y parvenir : 
  • un objectif de transformation de masse
  • une équipe de direction multidisciplinaire (un visionnaire, un expert marketing, un expert technique et un financier 
  • la capacité à devenir une plateforme capable de fédérer une communauté 
  • des processus clé qui ne traversent pas toutes les fonctions de l’entreprise (les chaines de valeur doivent rester courtes)
Intervenants :

Philippe Berna, Médiateur de l’innovation à Bercy

Philippe Coup-Jambet, Directeur Général PayTop

Alexandre Crazover, Directeur Général Datawords

Maïlys Ferrère, Directrice Pôle Investissement Large Venture, BPI

Eric Forest, Président Directeur Général, EnterNext

Christine Halliot, Directrice Innovation, Total

Cyril Hullin, CEO Mobiquithings

Frédéric Mazzella, Fondateur et CEO de BlaBlaCar

Animateur :

Charles Foucault, Rédacteur en Chef de l’Usine Digitale



Groupe Prospective de l’Institut G9+ : 

Christian Hindré, Louis Le Bigot, Nicolas Martinez-Dubost, Eric Nizard, Jean-François Perret et Rémi Prunier.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.