Compte rendu de la conférence du 13 avril 2015 : "Petite
start-up deviendra grande ! Comment dynamiter le plafond de verre qui
limite la croissance des pépites françaises ?"
La conférence, organisée en
partenariat avec l’IE-Club se penchait sur les sociétés en hyper-croissance.
Nos invités dégageaient finalement un consensus assez clair sur les clés de
succès et sur les obstacles encore à surmonter.
Être dans les bons réseaux
Nos intervenants insistent sur
l’importance pour l’entrepreneur d’avoir les contacts qui lui permettront
d’"être visible et de se ressourcer". Ne pas oublier aussi de rechercher les
multiples formes de soutien que peut apporter un grand groupe, à l’exemple de
tous les exemples cités au cours de la soirée : l’accord Total/BlaBlacar
autour de l’émission de certificats d’économies d’énergie résultant du
covoiturage ; le programme Chasser en meute d’Eurocopter ou le cas de start-ups
se faisant tracter à l’international en proposant des offres intégrées avec
celles d’un grand groupe client cités par Philippe Berna, médiateur de
l’innovation à Bercy. Les grandes groupes pourraient faire encore mieux pour
valoriser les petites structures auprès de leurs clients étrangers, note quand
même Alexandre Crazover (Datawords).
Les fonds d’investissement sont
aussi un élément important du réseau à constituer, rappelle Frédéric Mazzella :
Blablacar a en effet été très bien accompagné par des fonds Isai (qui regroupe
70 entrepreneurs de talent), puis par Axel Partners (qui connait bien le monde
des entreprises en croissance très forte), puis par Index (qui est expert de
leur domaine).
Et ne pas oublier Pacte PME, qui
permet d’agir en groupe : une PME peut obtenir de l’aide, par exemple pour
monter un bureau local ou pour avoir un VIE, ce qu’elle ne peut pas souvent
faire seule car le préalable est d’avoir des équipes locales à temps plein.
Affronter l’international
Du fait de leur business model et
de leur offre, certaines entreprises peuvent choisir de se déployer très tôt à
l’international car elles savent qu’elles seront suivies par leurs
investisseurs. C’est le choix notamment de BlaBlaCar : « lever des fonds avant
de se rentabiliser » était la seule option, faute de quoi la place aurait déjà
prise à l’international. F Mazzella tempère tout de même, en conseillant de ne
pas essayer de faire trop de pays à la fois. « Quand on en fait deux, on
devient déjà générique et ça permet ensuite d’en faire 10 ou 20 ».
Attention, nous dit aussi P.
Berna, « l’international commence par des références en France ». Et veiller à
organiser la levée de fonds en fonction de l’international : dans beaucoup de
métiers, il faut environ 1m€ par pays à conquérir.
Croire à la diversité
Cyril Hullin , CEO Mobiquithngs,
insiste aussi sur le besoin de s’internationaliser très vite, condition et
résultante d’une croissance rapide (« essayer de doubler chaque année »). Il
faut alors recruter loin de ses bases et y former de nouvelles équipes. Le défi
est de créer des bureaux ancrés dans le local, tout en assurant la
synchronisation d’ensemble. Bonne nouvelle, diversité et croissance seraient
même en corrélation, selon une étude McKinsey.
Pour F Mazzella, l’autonomisation,
la responsabilisation des équipes ne peut se faire qu’autour de valeurs
d’entreprise, « mais la difficulté principale réside dans les fonctions
marketing et communication, car elles supposent à la fois une action locale et
centrale ».
Avoir une vision de croissance
L’hyper-croissance se décide, il
faut d’abord le vouloir, c’est un choix stratégique qui commence par une envie
des fondateurs. F Mazzella, notamment, décrit sa société comme une « scale-up »
plutôt qu’une start-up.
Philippe Coup-Jambet, DG Paytop,
affirme aussi être parti sur « un modèle build-up », en montant le plus vite
possible dans les 6 premiers mois.
Cette envie, plusieurs fois
citée, sera nécessaire pour tenir au stade de l’exécution : « il faudra assurer
le service après-vente », « savoir raconter de belles histoires comme savent
les faire les américains », mais A Crazover rappelle que l’hyper-croissance
n’est pas une fin en soi, il faut l’organiser pour qu’elle soit durable, avec
notamment « des équipes incentivées et motivées ».
Avoir des ressources financières
adaptées
Le financement du développement
est un point évoqué de nombreuses fois. En effet, au contraire de leurs
homologues anglo-saxons, les entreprises innovantes françaises ont souvent trop
peu de ressources pour être en mesure de tester un modèle d’offre et de shifter
si nécessaire en cas d’insuccès.
Grâce aux fonds qui y ont cru,
BlaBlaCar a eu le temps au contraire de tester 5 des business models sur les 6
identifiés.
Adapter sa gouvernance au cours
de la croissance
Le couplage finance/conseil
fonctionne bien tant que les parties sont accordées sur les objectifs à
atteindre. Savoir s’entourer d’un board de conseillers « qui sont passés par là
» et être clair avec les investisseurs sur la direction que veut prendre la
société sont deux préalables essentiels. Mais, nous dit F Mazzella, les
problèmes sont garantis si l’investisseur change d’idée en cours de route ou si
un gérant de VC, trop jeune, n’est pas encore habitué au monde mouvementé des
startups !... De son côté, la société peut s’imposer des retournements pour
atteindre ses objectifs : « on peut vouloir toujours se développer dans la même
optique, mais pas forcément par le même chemin ».
Gérez avec soin les étapes de
changement : la sortie d’un FCPI du capital est un des moments où il faut
adapter le conseil d’administration et la gouvernance.
Transformer les difficultés en
autant d’occasions de faire mieux
Jouer au mieux de ses caractéristiques nationales
Pour F Mazzella, on souffre
d’être un pays de taille intermédiaire et on peut « rester bloqué au milieu » :
un acteur dans un petit pays sait, lui, qu’il ne peut pas rester local.
Inversement, un acteur français peut être bloqué par un concurrent US qui
bénéficie déjà d’économies d’échelle sur son marché national.
D’autres intervenants sont plus
enthousiastes. Pour A Crazover, on ne peut pas dire que c’est plus dur en
France à cause de la fiscalité ou de l’incompréhension des politiques . « La
France offre tous les atouts pour faire réussir ses entreprises ».
Avec peu de ressources financières oblige à être inventif
Datawords, par exemple, n’a pas
réussi à lever des fonds au départ ? Ils ont alors découvert qu’ils pouvaient
vivre en partie avec les acomptes des clients.
Vos concurrents étrangers ont plus
d’argent pour se développer ? Alors, nous dit Philippe Coup-Jambet, gagnez du
temps sur chacune des étapes de croissance.
Mais alors, pourquoi aussi peu de
succès en tant d’années ?
Les grands groupes peuvent mieux faire
Christine Halliot, Directrice Innovation
Total, reconnait que la difficulté vient souvent des grands groupes eux-mêmes,
sans même parler des contraintes imposées par les services Achats ou Juridique
comme la part du groupe dans le chiffre d’affaires d’une start-up prestataire.
« Il faut les aider, leur exposer les contraintes qu’il y a à travailler avec
le Groupe ».
Un manque d’expérience de l’hyper-croissance
Peu d’entrepreneurs ou de
managers ont l’expérience de l’hyper-croissance, mais, bonne nouvelle,
l’écosystème français est en train de structurer. Il a quand même « il a 10 ou
15 ans de retard », selon F Mazzella ...
Les limites du financement en France
C’est sans doute la remarque la
plus commentée. Pour M Chamboredon, il y a des trous dans la chaine de
financement. Surtout 1) au départ, car il faut savoir aussi y accompagner
l’entrepreneur dans la structuration de son projet, et 2) dans la phase de
capital innovation, quand la société n’est pas encore rentable. C’est ce qui
pousse certaines entreprises à « rester petites » ou à « se vendre à des
américains ».
Les acteurs français du
financement sont d’ailleurs eux-aussi très petits : « des nains », toujours
selon M Chamboredon ! Les lois TEPA et ISF ont apporté une petite amélioration
mais l’effet est passé. « La communauté (des investisseurs) maigrit plutôt ».
Il n’y a pas qu’une question de
taille. D’une façon générale, l’investissement devrait être plus orienté vers
le secteur productif : les assurances vie investissent aujourd’hui dans des
bons du trésor ou dans de grands groupes plutôt que dans l’économie de
croissance. Et à ce jour, aucune mesure n’a permis de réorienter ces
investissements ...
Eric Forrest, PDG Enternext,
reconnait que la Bourse n’est pas non plus assez présente dans les entreprises
en croissance et, pour compléter ce tableau sans concession, Maïlys Ferrière
(BPI) déplore elle-même que les subventions de l’Etat ont des volumes de plus
en plus faibles.
Les bonnes idées oubliées
Que sont devenues le
small business act et les spin-offs tant vantées il y a quelques années ? On
n’en parle plus !
Certaines entreprises parviennent
en effet à faire beaucoup plus vite ou beaucoup mieux.
4 secrets pour y parvenir :
- un objectif de transformation de masse
- une équipe de direction
multidisciplinaire (un visionnaire, un expert marketing, un expert technique et
un financier
- la capacité à devenir une plateforme capable de fédérer une communauté
- des processus clé qui ne traversent pas toutes les fonctions de l’entreprise (les chaines de valeur doivent rester courtes)
Philippe Berna, Médiateur de l’innovation à Bercy
Philippe Coup-Jambet, Directeur Général PayTop
Alexandre Crazover, Directeur Général Datawords
Maïlys Ferrère, Directrice Pôle Investissement Large Venture, BPI
Eric Forest, Président Directeur Général, EnterNext
Christine Halliot, Directrice Innovation, Total
Cyril Hullin, CEO Mobiquithings
Frédéric Mazzella, Fondateur et CEO de BlaBlaCar
Animateur :
Charles Foucault, Rédacteur en Chef de l’Usine Digitale
Groupe Prospective de l’Institut G9+ :
Christian Hindré, Louis Le Bigot, Nicolas Martinez-Dubost, Eric Nizard, Jean-François Perret et Rémi Prunier.
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